INRA DIST from France, CC BY 2.0 , via Wikimedia Commons

Agrumes

Faisons le point sur les agrumes !


L’origine des agrumes

Parmi les six genres botaniques de la famille des Rutacées représentant les agrumes, les plus connus sont originaires du sud-est asiatique : Citrus, Fortunella et Poncirus. Les agrumes des genres Poncirus et Fortunella sont originaires de zones septentrionales de l’est de la Chine, tandis que ceux du genre Citrus ont une origine méridionale entre l’Inde et l’Indonésie. La diversité du genre Citrus se concentre sur quatre entités taxonomiques à l’origine de la grande majorité des espèces cultivées : Citrus maxima (les pamplemoussiers), Citrus reticulata (les mandariniers), Citrus medica (les cédratiers) et Citrus micrantha.

©AGAP-SEAPAG, Franck Curk, INRA; Patrick Ollitrault, Cirad
©AGAP-SEAPAG, Franck Curk, INRA; Patrick Ollitrault, Cirad

Les agrumes à la conquête du monde

© Franck Curk, INRA
© Franck Curk, INRA

Les trois premières, qualifiées d’espèces ancestrales, ont évolué séparément dans trois zones géographiques distinctes (respectivement l’archipel Malaisien, le sud de la Chine et le nord-est de l’Inde). C’est lors de cette phase d’évolution séparée que les trois espèces ont acquis des caractéristiques spécifiques comme la taille et la couleur du fruit, la reproduction asexuée, la résistance à des contraintes environnementales et même la taille du génome. Plus tardivement dans l’évolution, des croisements sexués se sont produits dans les zones mixtes de peuplement et des formes hybrides interspécifiques, élevées au rang d’espèce, sont apparues : l’oranger (Citrus sinensis) et le bigaradier (Citrus aurantium), produits de croisements entre pamplemoussiers et mandariniers, le citronnier (Citrus limon), hybride de cédratier et de bigaradier et le limettier (Citrus aurantifolia) produit d’un croisement entre un papeda (Citrus micrantha) et un cédratier. De part son isolement géographique, les limes australiennes (Eremocitrus) sont restées plus longtemps isolées.

La diversité des variétés d’agrumes est souvent le résultat de modifications ou de croisements dus au hasard. Ces variétés sont apparues spontanément et se sont maintenues et propagées grâce à la capacité de reproduction non sexuée (apomixie). Chez ces espèces, l’apomixie se manifeste par le développement dans la graine d’embryons supplémentaires (polyembryonie) à celui issu de la fécondation. Ces embryons, provenant de cellules non reproductrices, ont tous la même constitution génétique et reproduisent à l’identique les caractères morphologiques de l’arbre initial (clone de la mère). L’apomixie est inexistante chez les cédratiers et les pamplemoussiers mais est présente dans la majorité des variétés cultivées sauf chez le clémentinier. Jusqu’au XXe siècle, le rôle de l’homme se limite à la détection fortuite et à la culture des formes nouvelles d’agrumes, apparues spontanément. Ainsi, les variations de couleur, de forme et de goût du fruit des variétés d’oranges, de citrons, de pomelos sont quasiment toutes issues de modifications naturelles (mutations) des gènes impliqués dans l’expression de ces caractères. La polyembryonie a permis de maintenir et d’amplifier ces formes nouvelles tout en limitant l’apparition de nouvelles formes hybrides.

Citrus store ( David Shay, CC BY-SA 3.0 , via Wikimedia Commons)
Citrus store ( David Shay, CC BY-SA 3.0 , via Wikimedia Commons)

Petite histoire sur le clémentinier

INRA DIST from France, CC BY 2.0 , via Wikimedia Commons
INRA DIST from France, CC BY 2.0 , via Wikimedia Commons

D’autres particularités reproductives ont également modelé la diversité des espèces comme l’incapacité à l’autofécondation. Le pollen ne peut pas féconder un ovule de même origine génétique. Ce caractère biologique est de rigueur chez tous les pamplemoussiers et favorise donc la diversité de l’espèce. Cette barrière génétique à l’autofécondation est présente aussi chez le clémentinier et est utile pour produire des clémentines sans pépin en vergers de production. La clémentine est aujourd’hui l’agrume phare de la zone méditerranéenne où elle naquit vers la fin du XIXe du côté d’Oran en Algérie. Son histoire commença précisément dans les vergers d’un orphelinat, où le père Clément fit des semis de graines de mandariniers. Quelques années plus tard, parmi les arbres issus de ces semis, on attira son attention et celle probablement des enfants de l’orphelinat sur les fruits de l’un d’entre eux remarquables par la qualité acidulée et la précocité de maturité. Si l’origine maternelle du clémentinier était certifiée en revanche l’identité du pollinisateur fut longtemps méconnue. On sait maintenant que le parent mâle est un oranger. Comme ses parents sont génétiquement diversifiés, le clémentinier est une combinaison unique de deux géniteurs qu’il est peu probable de reproduire. Par conséquent la seule manière de préserver le clémentinier et de le multiplier, est la pratique du greffage.

Agrume, c’est quoi en fait ?

Agrumes est un terme collectif désignant les arbres qui portent des fruits en quartiers, ayant une peau extérieur possédant des glandes à huiles essentielles, que l’on nomme zeste.
Le terme agrume renvoie aux fruitiers et aux fruits domestiqués les plus cultivés dans le monde : bergamote, cédratier, citron, combava et citron caviar, kumquat, lime, chinotto, limette, mandarine, orange douce et bigarade, pamplemousse, pomelo, papeda (yuzu, hassaku, kabosu, sudachi, main de bouddha, kalamansi) et autres variétés hybrides (clémentine, tangerine, tangelo, tangor, clemenvilla, limequat, citron Meyer…).

Scott Bauer, USDA, Public domain, via Wikimedia Commons
Scott Bauer, USDA, Public domain, via Wikimedia Commons

Les différents porte-greffes des agrumes

De part la diversité des agrumes et le besoin de reproduire fidèlement la variété recherchée, on utilise donc principalement la greffe comme mode de multiplication des agrumes. Le porte-greffe, qui est un autre agrume, a une influence sur la productivité, la tolérance au froid, au pH et au type de sols , Certains sont plus tolérants au stress salin que leurs homologues ; à la sécheresse, la qualité du fruits, la taille de l’arbre, la résistance aux pathogènes. La greffe transmet aussi l’âge du greffon, autrement dit un greffon productif qui a passé le stade juvénile donne un arbre immédiatement productif. Les principaux agrumes utilisés comme porte-greffe sont :

  • Le bigaradier (Citrus aurantium), est un porte-greffe traditionnel en région méditerranéenne, largement compatible avec de nombreux agrume, il donne de bons fruits, il résiste au phytophtora, mais il est peu résistant au froid.
  • Le citron jambhiri (Citrus jambhiri) utilisé en Inde mais ne supporte pas les sols lourds,
  • La mandarine (Citrus reticulata) cultivar Cleopatra qui a une bonne tolérance au sol calcaire,
  • Le rangpur (Citrus limonia) réputé pour sa tolérance à la sécheresse,
  • Le citron russe (Citrus volkameriana) qui a une bonne tolérance au sol calcaire et qui est bien vigoureux. Il se comporte aussi très bien en pot.
  • Le Poncirus trifoliata est très intéressant car il a une très bonne résistance au froid (-20°C). Le Poncirus possède en effet la particularité d’être le seul agrume qui perd ses feuilles en hiver, caractère qui lui permet de mieux résister au froid. Cette résistance est partiellement conférée aux variétés greffées. Un greffage sur Poncirus trifoliata augmente la productivité, améliore la qualité des fruits, et aplanie les phénomènes d’alternance de production. En contrepartie, il lui est reproché de diminuer les calibres obtenus et de conférer une faible vigueur lors des premières années de plantation. Le poncirus apprécie les sols frais à humide, acide à légèrement acide. De nombreux hybrides de poncirus existe :
    • Le citrangequat C35, hybride de poncirus et d’oranger, est un porte-greffe bien vigoureux, relativement bien résistant au froid et tolérant aux sols calcaires et aux sols secs, argileux.
    • Le citrumelo C4475, hybride de pomelo et poncirus, est bien résistant au froid. De part son système racinaire profond, il se comporte bien dans des sols secs et bien drainant et n’apprécie pas les sols lourds et humides.
    • Le Forner alcaide FA5, est un hybride de mandarine et poncirus. qui a conservé comme caractère des poncirus sa résistance au froid, sa bonne fructification et sa croissance lente (voir nanifiant). Il est par contre beaucoup plus tolérant aux sols calcaires.

Il en existe encore plein d’autre qui sont plus ou moins utilisés (citrumelo Sakaton, citrange Troyer, citrange Carrizo,…).

Un exemple du travail réalisé à la pépinière

Ci-dessous :

  1. La première photo montre une double greffe de mandarinier qui vient d’être réalisé sur porte-greffe FA5 âgé de 2 ans. Celui-ci a été choisi pour donner à notre arbre final les caractéristiques de ce porte-greffe : meilleure résistance au froid, meilleure tolérance au sol calcaire, précocité des fruits…
  2. La deuxième photo montre une greffe de 2 mois : le greffon a démarré et on obtient donc un mandarinier greffé sur FA5.
  3. La troisième photo montre la greffe à 20 mois : l’arbre est maintenant suffisamment grand pour être vendu en pot de 4 L.
Greffe d'agrume, greffe à un mois et greffe à vingt mois à la pépinière (© Pépinière Med)
Greffe du jour, greffe à un mois et greffe à vingt mois à la pépinière (© Pépinière Med)

Sources bibliographiques

  • Aubert B., Vullin G.,2023. Pépinières et Plantations d’agrumes. Éditions Quae. 183 p.
  • Luro F., Jacquemond C. et Curk F. 2013. La clémentine dans la diversité génétique des agrumes, dans : Les clémentiniers et autres petits agrumes. Jacquemond C., Curk F. Heuzet M. coord., Quae Éditions Collection Savoir-Faire Versailles, France. 17-36.
  • inrae.fr : Les zestes de la recherche
  • jardinsdefrance.org : L’origine des agrumes : leur évolution et la naissance des espèces cultivées (par
    François Luro)
  • cirad.fr : L’évolution des agrumes revisitée
  • radiofrance.fr : La grande famille des agrumes (du podcast Du vent dans les synapses)